dit par Stéphane REITMAN
Loin des oiseaux...
Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Que buvais-je, à genoux dans cette bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Dans un brouillard d'après-midi tiède et vert !
Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
-- Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert !--
Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie? Quelque liqueur d'or qui fait suer.
Je faisais une louche enseigne d'auberge.
-- Un orage vint chasser le ciel. Au soir
L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,
Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares ;
Pleurant, je voyais de l'or --et ne pus boire. --
Arthur RIMBAUD, Une Saison en enfer (1873)
(version remaniée du poème "Larme" de mai 1872)